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La Notice


Lorsque j'ai publié l'affiche du FVN2019, plusieurs d'entre vous se sont étonnés de ne pas voir de nouvelle signée par votre serviteur. Je n'avais en effet pas l'intention de me publier au cours de ce Festival, mais puisque beaucoup ont menacé de se griffer le visage jusqu'au sang, de manger des caillettes ardéchoises sans modération, de boire du mauvais vin jusqu'à l'étourdissement ou encore de s'enchainer devant une émission télévisée animée par David Pujadas, (je garde pour moi les pires horreurs qui aujourd'hui font de mon sommeil un lointain souvenir...) j'ai cédé au chantage.

Oui, je suis faible. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Imaginez un instant ces pauvres hères suppliant et gémissant face à leurs écrans d’ordinateur. D’y penser mon cœur se soulève. Alors, pour stopper là cette épidémie, avant que le mal ne se répande davantage, pour éviter aux affaires sanitaires une pandémie sans précédent, voici une petite nouvelle intitulée La Notice.

Cette nouvelle a un passé : laissez-moi vous le conter ! (Vous voyez ce qui arrive quand vous m’implorez de vous raconter des histoires, je ne peux plus m’arrêter !)

La Notice a participé au concours Ecrireaufeminin. Les plus fidèles de mes lecteurs et abonnés l’ont déjà lue et ont contribué au succès de cette histoire en votant en nombre pour la propulser parmi les douze premières. Ensuite, le comité de lecture l’a également sélectionnée, ce qui constitue une jolie prouesse parce que La Notice a été la seule nouvelle à être plébiscitée et par les internautes, et par le comité d’Aufeminin.

Bref, elle n’a pas été lauréate, mais tout de même, sur plus de 800, cela reste un très beau résultat. C’est pourquoi je suis fière de vous présenter cette courte nouvelle qui devait compter moins de 3000 signes et répondre à un des quatre thèmes imposés. J’avais choisi : "on s’en fout, on n’y va pas."

Joyeux Festival à tous !

La Notice

Je m’appelle Alfred. Je vis avec mon chien Billy et je suis traducteur de notice de montage pour une entreprise de meubles en kit. Ma vie est réglée comme du papier à musique. J’ai besoin de routine pour me sentir en sécurité. Et mon Billy adore ça ! Je n’aime pas les surprises, et lui non plus. Or, il y a quelques jours, j’ai reçu un courrier qui va nous obliger à changer. Je suis convoqué au tribunal pour avoir traduit des centaines de notices à l’envers. La société lance une action contre moi, elle veut que je paye pour cette supposée bavure. Mais moi, je ne vois pas où se situe le désagrément dans la mesure où tout fonctionne parfaitement. Il paraît que c’est une question d’esthétique. Je me suis renseigné afin de savoir si des utilisateurs avaient protesté et l’on m’a assuré qu’aucune réclamation n’avait été formulée. C’est la firme qui porte plainte. Je dois dire que je suis surpris parce que je travaille pour eux depuis plusieurs mois et tout avait l’air d’aller très bien. J’ai même assisté à des ateliers de montage de leur mobilier. Je tenais à cette formation pour toucher du doigt la problématique et me perfectionner. On avait tellement ri à cette occasion. Il faut dire que je ne suis vraiment pas doué de mes deux mains. User d’un marteau s’apparente à un exploit ! Quant à planter un clou, me servir d’un tournevis ou d’une clé à six pans, n’en parlons pas !

Ma notice, je l’ai un peu pimentée. Parce que de vous à moi, il n’y a rien de plus triste qu’un mode d’emploi. Pour bien commencer, j’ai élaboré une petite introduction de mon cru avec cet intitulé : « À vos tournevis ! », suivi du sous-titre : « Montez vos meubles les yeux fermés !» Puis, viennent les trois règles à respecter à la lettre :

Règle n°1 - La notice est votre bien le plus précieux. Règle n°2 - Lisez la notice. Règle n°3 - Lisez la notice jusqu’au bout !

Personne n’est plus fort que la notice, il ne faut jamais l’oublier. Un peu d’humour me semblait indispensable, parce que monter des meubles sans crise de nerfs ressemble à une prouesse. J’ai ajouté mon grain de sel, je l’avoue, mais pas de quoi me traduire en justice pour cause de traduction améliorée ! Il s’agit de quelques conseils mâtinés de bon sens, et d’un peu de fantaisie. Ce mode opératoire, je l’ai conçu pour éviter les scènes de ménage, pour épargner le bricoleur d’un jour, pour tordre le cou à l’agacement. Ma procédure relève presque de l’utilité publique. Mais on s’en fout, on n'y va pas. Je ne veux pas emprunter les transports en commun avec Billy. Il y a toujours des râleurs qui se plaignent qu’on prend trop de place tous les deux, et puis c’est beaucoup trop loin. Il vient à peine de terminer sa formation. Alors même s’il est sorti major de sa promotion de chien guide d’aveugle, il manquerait plus qu’on se perde !

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